Dispositif « Un chez soi d’abord » : regard d’acteurs engagés dans le déploiement du dispositif en Auvergne-Rhône-Alpes

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L’Agence régionale de santé (ARS) Auvergne-Rhône-Alpes vient d’autoriser un cinquième site « Un Chez soi d’abord » dans la région. Zoom sur ce dispositif et les enjeux de la prise en charge globale des personnes sans domicile présentant des troubles psychiatriques avec le témoignage de deux acteurs engagés dans ce dispositif.

La région Auvergne-Rhône-Alpes est la région disposant du plus grand nombre de dispositifs « Un Chez soi d’abord » au niveau national avec 5 sites (365 places) à fin 2024 qui interviennent directement depuis la rue auprès des personnes sans domicile présentant des troubles psychiatriques sévères pour leur apporter un accompagnement global au sein du domicile.

Le développement de ces dispositifs souligne les besoins conséquents de prise en charge pour ces publics spécifiques dont l’accompagnement dans le cadre d’un parcours de santé et de vie de qualité et sans rupture est central. On estime que 30% des personnes sans domicile sont atteintes de troubles psychiatriques sévères en France et les personnes accompagnées par ce dispositif ont un âge moyen de décès 30 à 35 ans plus tôt que la population générale.

Pour l’occasion, la parole est donnée à deux acteurs engagés dans le dispositif pour nous présenter le concept et nous donner un aperçu du travail en région.

Damien Viccini, référent régional « Santé précarité » à l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes qui pilote le déploiement du dispositif « Un chez soi d’abord » dans la région

Sarah Daligaux, directrice de projet pour Axihome 74, structure porteuse du dernier site ouvert en fin d'année 2023.

 


Qu’est-ce que le dispositif Un « chez soi d’abord » ?

DV 🟣 Lancé en 2011 en France, le dispositif « Un Chez-soi d’abord » (UCSD) est la version française du projet « Housing First » initié à New York dans les années 1990.

Le concept repose sur un changement de paradigme pour l’accès au logement des personnes sans domicile fixe. L’idée est de proposer un logement, sans vérifier, comme on le faisait jusqu’alors, la capacité des personnes à s’y maintenir.

Dans le cadre d’UCSD, dès lors qu’il s’agit d’une personne majeure, avec un diagnostic qui rentre dans le champ de la psychose, en situation régulière sur le territoire, à la rue ou en hébergement d’urgence, elle a tout simplement droit à un logement qui sera assorti d’un accompagnement médico-social intensif et pluridisciplinaire.

Suite à une expérimentation nationale entre 2011 et 2016, un décret de 2016 pérennise ce dispositif comportant un logement adapté et accueillant des personnes sans-abri présentant des pathologies mentales sévères avec une 1ère phase de création avec 16 sites à 100 places puis une seconde phase axée sur la création de sites à 55 places.

En région Auvergne-Rhône-Alpes, on compte actuellement cinq sites pour un total de 365 places. Deux premiers sites de 100 places ont ouvert dans le Rhône et l’Isère en 2016, suivis ensuite par l’ouverture de deux sites à 55 places dans la Loire et le Puy-de-Dôme en 2020. Le dernier site à 55 places en date à avoir été ouvert par l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes suite à un appel à projets régional a été créé en décembre 2023 dans le nord de la Haute-Savoie. Il est porté par le groupement de coopération sociale ou médico-sociale AxiHome 74 (GCSMS).

Votre structure vient d’ouvrir un site UCSD en Haute-Savoie suite à un appel à projet régional, pouvez-vous revenir sur le travail engagé avec l’ARS pour mettre en place ce nouveau site ?

SD 🟡 Lorsque l’idée a germé de réfléchir au déploiement d’un UCSD sur notre territoire d’intervention actuel au sein de notre groupement de coopération sociale et médico-sociale (GCSMS), nous sommes entrés en contact avec l’ARS pour avoir des premiers retours quant à la faisabilité d’un tel projet.

Cette envie était en adéquation avec les missions d’accompagnement de la FAS (fédération des acteurs de la solidarité) AURA visant à l’essaimage de ces dispositifs et dont le poste est financé par l’ARS. Cette convergence des acteurs qui impliquait également la Direction départementale de l’emploi, du travail et des solidarités (DDETS74) et le service intégré d’accueil et d’orientation (SIAO74) confrontés à des problématiques de sans-abrisme, est venue nous conforter dans l’idée de mener une expérimentation qui s’est concrétisée de 2018 à 2021.

Durant cette phase d’expérimentation, le collectif des futurs membres, mettant à disposition du temps de conception et d’ingénierie de projet, a veillé à s’inscrire dans la réflexion territoriale du projet territorial de santé mentale (PTSM) et à proposer une stratégie de déploiement ayant fait l’objet de deux fiches actions.

C’est dans cette dynamique du PTSM que l’ARS a accordé des fonds via le fonds d’intervention régional (FIR) pour soutenir la préfiguration du dispositif UCSD et aboutir à la reconnaissance par la parution d’un appel à projet. Nous pouvons dire que l’ARS a été présente et soutenante aux différentes phases de la conception du projet jusqu’à son habilitation fin 2023.

Quel est l’intérêt selon vous de cette formule pour répondre aux enjeux de réponse coordonnée de la part des différents acteurs ?

SD 🟡 Les UCSD s’adressent aux publics vivant avec un trouble de santé mentale notamment dans le champ de la psychose, qui n’accèdent ni aux structures d’accompagnement et de logement classiques et dont l’accès aux soins est empêché. Elles viennent prendre en compte une dimension nécessaire de santé globale.

Sur notre territoire d’intervention ce public, souvent invisibilisé, souffre par ailleurs d’une exclusion et d’un isolement important.
Le territoire, tendu en terme de logement et d’accès aux soins, renforce une stigmatisation que l’accompagnement, orienté rétablissement et réduction des risques, proposé par les UCSD vient prendre en compte.

Aussi, la réponse coordonnée des acteurs, du diagnostic jusqu’à la réflexion et mise en place de propositions innovantes puis le financement, est une approche dynamique qui répond à ces problématiques d’exclusion et de stigmatisation.

L’approche décloisonnée est ainsi à la fois une condition de réussite et un effet produit qui renforce les réponses médico-sociales.

Comment travaillez-vous avec les acteurs locaux pour apporter une réponse globale et coordonnée via ce dispositif ?

DV 🟣 Le développement de ces dispositifs au travers de la région marque l’engagement de l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes à favoriser la mise en place d’une réponse coordonnée dans la prise en charge des publics les plus précaires.

L’Agence travaille avec les acteurs institutionnels tels que les DEETS et les intercommunalités pour la phase de diagnostic, de pilotage, de partenariat et de concertation nécessaire à l’ouverture et l’identification des zones où implanter ces sites.

Elle veille aussi à associer les acteurs associatifs, hospitaliers et psychiatriques afin de réunir les compétences nécessaires (logement, addictologie, santé mentale) qui seront mobilisées au sein du logement, clé de voute du dispositif sur laquelle se développent les accompagnements et les prises en charge. L’un des atouts du dispositif UCSD c’est d’être géré sous la forme d’un GCSMS, cela favorise les synergies et facilite son fonctionnement.

Quelles améliorations avez-vous pu observer sur les publics accueillis depuis le déploiement de votre site ?

SD 🟡 Les premières observations que nous faisons au sein d’AxiHome 74 sont conformes et convergent vers les résultats de l’étude ayant permis de voir aboutir les dispositifs UCSD.

Nous repérons en équipe les effets positifs suivants :

  • Un engagement des publics dans un processus et projet de soin avec une meilleure observance des traitements et/ou une réflexion sur l’adaptation et le choix du traitement,
  • Une littératie en construction
  • La prise en compte de leur mieux être comme partie essentielle des droits humains
  • Un maintien en logement avec un accès au logement en bail direct pour le tiers des locataires accompagnés. Pour d’autres locataires, cet accès se fait par l’intermédiaire de la sous location, avec un projet de glissement de bail enclenché.

Nous pouvons globalement constater des améliorations dans différentes sphères de la vie y compris dans des demandes d’accès à l’emploi, des reprises de contacts familiaux, des arrêts ou des fortes diminutions de leurs consommations.

L’accompagnement proposé s’inscrit dans la reprise en main de leur pouvoir d’agir et de leur autodétermination ; y compris dans des désirs d’engagement collectif. A ce jour, quelques locataires sont partie prenante dans la mise en place d’un groupe d’auto-support.

Quelles sont les prochaines étapes pour la poursuite du déploiement du dispositif en région ?

DV 🟣 En lien étroit avec la Délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (DIHAL), l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes a pour objectif de poursuivre le déploiement et l’extension des UCSD dans la région au regard des diagnostics qui seront menés et des enveloppes budgétaires nationales allouées avec un accent sur le développement des « Un Chez Soi d’Abord Jeunes » dédiés au public 18/25 ans.

Il s’agit d’un jeune public à risque de devenir adulte sans-abri ou malade. L’objectif est d’éviter des passages prolongés à la rue qui nuisent à la stabilité future dans le logement mais aussi au bien-être car, même si ces jeunes parviennent à quitter la rue, beaucoup d’entre eux continuent à lutter contre les traumatismes, les problèmes de santé mentale, d’accoutumance aux drogues et de pauvreté extrême.

 

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