Déclinaison d’un principe national conçu par l’association La Voix de l’Enfant, cette structure, déjà active depuis le 6 novembre, a pour objectif d’offrir, en un lieu unique, une prise en charge globale et pluridisciplinaire (soin, protection, procédure judiciaire) aux mineurs victimes de violences.
Dévoilés lors du lancement, par Elisabeth Borne, fin novembre, du Plan de lutte contre les violences faites aux enfants, les chiffres font froid dans le dos. Chaque semaine, en France, un enfant meurt sous les coups de ses parents. En 2021, les violences intrafamiliales touchant des enfants (dont des violences physiques et sexuelles) ont bondi de 16%. En 2022, le numéro vert "119 - Allô enfance en danger" a sonné plus de 40 000 fois. A l’heure actuelle, près d’un quart des Français de plus de 18 ans estiment avoir été victimes de maltraitances graves dans leur enfance.
Quand surviennent ces situations dramatiques, de nombreux acteurs se retrouvent en première ligne pour porter assistance aux enfants : personnels soignants, travailleurs sociaux, services de police, gendarmerie, justice … C’est pour mieux les coordonner, mais aussi simplifier le parcours des mineurs victimes et les accueillir dans un environnement sécurisant et adapté qu’ont été créées les unités d'accueil pédiatriques enfants en danger (UAPED). Imaginées dès 1997 par l’association La Voix de l’Enfant, pour en faire des lieux uniques d’accueil des enfants maltraités, ces structures ont, depuis, essaimé dans toute la France. Aujourd’hui pilotées par le Secrétariat d’Etat à l’enfance, 145 UAPED ont été déployées ou sont en cours de déploiement dans 98 départements ou régions d’outre-mer.
Etablie au coeur de l’hôpital Femme Mère Enfant (HFME), l’UAPED de Lyon a été inaugurée mardi matin 19 décembre, en présence de tous les partenaires impliqués1. Déjà en service, elle accueille, depuis le 6 novembre, les enfants de 0 à 18 ans victimes de tout type de violences. En vue de l’ouverture, comme le prévoyait le protocole national, l’HFME s’est dotée d’une salle "Mélanie", une salle d’audition spécialement conçue pour recueillir de manière filmée, devant et derrière une vitre sans teint, la parole de l’enfant victime. Ce lieu intimiste, au décor rassurant, permet à l’enfant de s’exprimer en toute confiance, devant des professionnels, policiers ou gendarmes, formés au protocole NICHD.
1 Par ordre alphabétique : 777 Children, Agence Régionale de Santé Auvergne-Rhône-Alpes, Amicale du Nid du Rhône, Autorité judiciaire de Lyon, Conseil Départemental du Rhône, Direction départementale de la sécurité publique (DDSP) du Rhône, Fondation des Hôpitaux, Fondation HCL, Gendarmerie du Rhône, Le MAS du Rhône, Métropole de Lyon, Préfecture du Rhône, QBE, VIFFIL SOS Femmes du Rhône, Ville de Bron, Ville de Lyon, Voix de l’Enfant.
Rendre plus simple et moins traumatisant le parcours de l’enfant victime de violences
« L’objectif, c’est aussi d’éviter que l’enfant répète plusieurs fois son histoire, ce qui peut se révéler traumatisant. Jusqu’alors, les prises en charge étaient saucissonnées : l’enfant pouvait, par exemple, bénéficier d’une évaluation pédiatrique et sociale aux urgences pédiatriques, mais il devait ensuite aller porter plainte à la brigade des mineurs, en ville, puis revenir à l’hôpital pour être examiné par un médecin légiste, avant éventuellement de voir un psychologue ou un pédopsychiatre. Et, à chaque fois, il devait répéter son histoire. Avec l’UAPED, tout est centralisé au même endroit et le dossier de l’enfant transmis en temps réel à tous les intervenants », décrit le Dr Pauline ESPI, la pédopsychiatre de l’UAPED.
Au sein de l’UAPED, la prise en charge, pluridisciplinaire, s’avère la plus complète possible. Lors de sa venue à l’HFME, généralement pour une journée ou une demi, l’enfant, outre la possibilité de témoigner auprès des enquêteurs si la situation l’exige, bénéficie de la présence dédiée de médecins (pédiatre, pédopsychiatre, légiste), d’une assistante sociale, d’une psychologue, d’une cadre socio-éducative et d’une secrétaire. Par ailleurs, tout au long de son parcours, trois infirmières-coordinatrices sont chargées de l’accompagner, en fil rouge, pour faciliter sa gestion des émotions avant chaque passage devant un professionnel. « Nous tâchons de construire une évaluation pluriprofessionnelle personnalisée et pertinente par rapport à la situation de chaque enfant », souligne le Dr Magali GOUGNE, pédiatre et responsable de l’unité.
Une prise en charge pluridisciplinaire complète et adaptée à chaque situation
Si tous les enfants et adolescents victimes de violence, jusqu’à l’âge de la majorité, sont accueillis sans distinction, ils le sont selon deux parcours :
- parcours médico-judiciaire : les enfants sont adressés par l’autorité judiciaire (Procureur de la République) dans le cadre de l’urgence, généralement dans les 72h suivant les faits de violences, ou pour des faits plus anciens venant d’être révélés. L’enfant est entendu au cours d’une audition par les services enquêteurs au sein de la salle Mélanie, puis bénéficie d’un examen médico-légal réalisé par un médecin légiste. Au cours de ce parcours, l’enfant pourra bénéficier, selon la situation et ses besoins, d’évaluations spécialisées telle qu’une évaluation pédiatrique, une évaluation psychique (pédopsychiatre, psychologue) et une évaluation sociale (assistante sociale).
- parcours médical d’avis spécialisé : les enfants sont adressés par un médecin extérieur dans des cas complexes de maltraitances avérées ou suspectées, ayant parfois un retentissement sur le développement global de l’enfant et très souvent des conséquences psycho-traumatologiques. L’UAPED agit alors comme une unité de recours, avec un rôle d’expert, pour évaluer, toujours par le biais d’une prise en charge pluridisciplinaire, la situation de l’enfant et l’orienter dans les bonnes filières d’accompagnement.
« Notre mission première, au sein de l’UAPED, c’est de faire de l’évaluation. Nous ne sommes pas une unité de soins à proprement parler. A travers notre approche pluriprofessionnelle, nous dressons l’état des lieux de la situation de l’enfant, afin de garantir sa protection, d’assurer le bon déroulé d’une enquête - quand le cas se présente - et d’envisager le meilleur accompagnement possible pour la suite », résume le Dr Tiphaine GUINET, médecin légiste de l’UAPED.
Une structure qui a vocation à se développer et se pérenniser
Possédant également la mission de coordonner les différents acteurs intervenant auprès des enfants en danger, l’UAPED a déjà noué des liens forts avec eux. « Par exemple, si nous avons connaissance d’un enfant hospitalisé qui subit des violences, avec un danger imminent, nous prévenons le procureur, précise la cadre socio-éducative Gaëlle BEAUCOURT. De même, nous entretenons des liens très étroits avec la CRIP (cellule départementale de recueil des informations préoccupantes) et le service de protection de l’enfance de la Métropole. Nous travaillons, avec nos différents partenaires, en amont comme en aval ».
En parallèle, l’UAPED est en charge de deux autres activités liées à la protection de l’enfance et au psychotraumatisme complexe, auparavant prises en charge par les équipes médicales de l’HFME :
- le suivi des enfants de retour de zone de guerre : sur délégation des ministères de l’Intérieur et de la Santé, l’UAPED procède à l’évaluation médicale et psychologique des enfants rapatriés par la France de retour de la zone de conflits Irako-syrienne.
- l’accueil des enfants co-victimes de féminicide : sur décision du parquet, les enfants co-victimes de féminicide sont placés en urgence à l’hôpital pédiatrique, de sorte à leur offrir un sas de protection et de soin initial. L’UAPED peut alors permettre de coordonner dans un même lieu les démarches et évaluations nécessaires au décours du drame. Il s’agit, là encore, de réaliser une évaluation médicale, sociale psychologique complète, en vue de la mise en place d’un éventuel suivi sur le temps long, comme par exemple au sein de la Cellule d’Urgence Médico-Psychologique ou du Centre Régional du Psychotraumatisme, situé à l’hôpital Edouard Herriot..
Fonctionnant pour l’heure à temps partiel, sur deux jours (les mardis et jeudis), l’UAPED de l’HFME bénéficie d’un financement de l’ARS pour trois ans, à hauteur de 835 000 €. A terme, l’ambition est de pérenniser la structure avec une activité à temps complet, afin de répondre toujours mieux à l’objectif érigé en priorité gouvernementale par la Première Ministre, le 20 novembre dernier, de lutter contre les violences faites aux enfants.
Virginie VALENTIN, Directrice Générale par intérim des Hospices Civils de Lyon: « Nous sommes très heureux d’inaugurer cette unité avec l’ensemble des institutions partenaires qui contribuent à la prise en charge de l’enfant victime de violences. Merci à ceux qui, ensemble, vont oeuvrer au sein de cette unité, et bien au delà, pour offrir à ces enfants le s conditions d’accueil et d’accompagnement que la République leur doit. »
Cécile COURREGES, Directrice Générale de l’ARS Auvergne Rhône Alpes : « La lutte contre les violences faites aux enfants a été érigée en priorité par la Première ministre en novembre 2022 qui a annoncé, en 2023 un nouveau plan destiné à la prise en charge de ces enfants. Parmi les mesures figure la généralisation des Unités d’accueil médico judiciaires pédiatriques, précédemment créé e s sous l’impulsion de l’association La Vo ix de l’enfant. Pour soutenir cet UAPED porté par les HCL, l’ARS attribue 835 000 € pour 3 ans. Je tiens à souligner l’importance de la collaboration et du partenariat étroits entre les différents acteurs et institutions intervenant dans le champ de la lut te contre les violences faites aux enfants qui vont permettre de venir soutenir les dynamiques déjà engagées par ailleurs »
Lucie VACHER, Vice présidente déléguée à l'Enfance, la Famille et la Jeunesse, Métropole de Lyon : « Les enfants sont un public vulnérable, qui a besoin d’une prise en charge adaptée lorsqu’ils sont victimes ou co-victimes de violences. La Métropole de Lyon salue la création de cette nouvelle Unité d’Accueil Pédiatrique Enfants en Danger au sein de l’hôpital Femme Mère Enfant. Elle participe aux enjeux d’accueil, de soin, de protection et d’écoute via un lieu unique, rassemblant l’expertise et les compétences de nombreux professionnels. Cette création est également le fruit de nombreux échanges collaboratifs auxquels la Métropole a pris part. Je remercie les équipes investies au quotidien pour accompagner les enfants victimes de violence. »
Laurence CHRISTOPHLE, Substitut général près la Cour d'Appel de Lyon « Nous nous réjouissons de l’ouverture de
cet te unité, qui répond à un questionnement ancien des autorités judiciaires pour améliorer la prise en charge des
enfants victimes de violence. Aujourd’hui, nous franchissons un cap avec ce lieu unique, rassurant et adapté qui permet
aux professionnels de venir à l’enfant et non l’inverse. Nous pouvons espérer ainsi limiter le retentissement de la
procédure judiciaire pour ces victimes particulièrement vulnérables que sont les enfants. »