Inauguré ce jour en présence du Ministre de la Santé et de l’Accès aux soins, Yannick NEUDER, le Pneumobile sillonnera les routes de la région à la rencontre des populations vulnérables. Il contribuera à lever les freins psychosociaux, éduquer à la prévention des risques et surtout favoriser un dépistage précoce par scanner à faible dose du cancer du poumon en vue d’en réduire la mortalité. Cette initiative s’inscrit dans le cadre des expérimentations promues en France pour le dépistage du cancer du poumon.
Le dépistage précoce, un enjeu majeur de santé publique
Avec 33 000 décès et plus de 52 000 nouveaux cas chaque année, le cancer du poumon est le troisième cancer le plus fréquent et la première cause de mortalité par cancer en France et dans le monde. Longtemps indolore et asymptomatique, il est très souvent diagnostiqué à un stade tardif et qualifié de « cancer à mauvais pronostic ».
Une étude internationale pilotée par des chercheurs américains et publiée dans la revue Radiology en 2023 rapporte que « plus de 80% des fumeurs ou ex-fumeurs opérés d’un cancer du poumon dépisté à un stade précoce étaient encore en vie 20 ans plus tard ». D’autres études complémentaires ont montré qu’un dépistage par scanner thoracique à faible dose était très efficace pour déceler les cancers du poumon précocement et que son utilisation permettait de réduire de 20% la mortalité liée au cancer du poumon et de 5% la mortalité toutes causes considérées. Des résultats qui ont poussé plusieurs pays - dont les Etats-Unis et le Royaume-Uni - à lancer des programmes de dépistage ciblés sur les fumeurs et ex-fumeurs. « Le tabac est responsable de 8 cancers du poumon sur 10, explique le Pr Sébastien COURAUD, chef du service de pneumologie de l’hôpital Lyon Sud. La quantité de cigarettes annuelle est l’un des plus importants facteurs de risque, mais aussi la durée totale de cette consommation sur une vie. Si les récentes études prouvent que le dépistage précoce est un levier puissant, il doit être associé à la lutte contre les facteurs de risque, particulièrement la prévention de la consommation du tabac, pour inverser la tendance et dépister la maladie à des stades offrant un meilleur pronostic ».
Le 1er février 2022, la HAS se prononçait en faveur d'un programme visant à documenter les prérequis à la mise en place d'un dépistage organisé du cancer du poumon en France. Début 2025, l’INCA annonçait le lancement du programme pilote national IMPULSION - pour « Implémentation du dépistage du cancer pulmonaire par Scanner en population » -, co-piloté par le Pr Sébastien COURAUD et le Pr Marie-Pierre REVEL (AP-HP) et visant à déterminer les modalités les plus efficaces et les plus sûres d’un dépistage par scanner thoracique (durée, fréquence, impact économique…) en France.
Le dépistage mobile, une initiative inédite contre les inégalités de santé sur le territoire
La participation des personnes aux actions de dépistage des cancers est un élément déterminant de leur efficacité. Malheureusement, en France, cette participation est loin d’être optimale (50% pour le cancer du sein, 30% pour le cancer du côlon). Si le statut tabagique est un facteur prédictif important dans le cancer du poumon, il semble que le déclin de la participation aux dépistages organisés soit plus prononcé chez les personnes vulnérables socialement, et que l’inégalité dans l’accessibilité aux soins influe également sur la participation.
Les disparités dans la répartition de la précarité sur le territoire national – et que l’on retrouve en région Auvergne-Rhône-Alpes - ne sont pas sans conséquences. Des études ont montré un lien entre disparités géographiques de la mortalité par cancer et vulnérabilité sociale. « En somme, plus la population est précaire, moins elle a accès aux soins et plus il est difficile qu’elle soit dépistée ». Une vérité encore plus marquée dans le cancer du poumon, étant acquis que la précarité conduit elle-même à des comportements à risque (tabac, alcool), une moindre observance des traitements et des difficultés d’accès aux soins entraînant des retards de diagnostic. Le faible niveau socio-économique est d’ailleurs un facteur de risque en soi de cancer du poumon.
Né de ce constat, le projet de camion itinérant avec scanner embarqué des Hospices Civils de Lyon répond à une véritable demande d’« aller vers » auquel il donne tout son sens. Inspiré des systèmes mobiles de prévention et de dépistage déjà existants en France* ou à l’étranger**, le Pneumobile a vocation à atteindre les populations les plus éloignées du système de santé afin de réduire les inégalités de santé. Il apporte une offre de prévention et de dépistage complète pour les maladies liées au tabac. Piloté par le CHU, le Pneumobile vise toutefois à réintégrer le participant dans sa filière de soin local et l’orientant, si besoin, vers les équipes de soin du territoire. Le médecin traitant notamment, lorsqu’il n’est pas lui-même à l’origine de la démarche, sera toujours destinataire des conclusions.
Interfacé au programme national IMPULSION et intégré au projet européen SOLACE, le dispositif de dépistage mobile s’inscrit dans les priorités de la stratégie décennale de lutte contre les cancers. Opéré par les HCL, le projet a pu être mené à bien grâce au soutien majeur de la Région Auvergne Rhône-Alpes, de l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes, et l’Union Européenne, de la Ligue contre le Cancer et de partenaires privés : Astra Zeneca, le groupe Adène, Canon et BD Biosciences.
Le 1er camion d’évaluation en santé respiratoire de France
Principalement motivé par les chiffres alarmants du cancer du poumon, le projet a été réfléchi dans le cadre d’une démarche globale d’évaluation de la santé respiratoire. Il allie une démarche individuelle de sevrage tabagique à un parcours de dépistage des maladies pulmonaires par le biais d’examens, incluant la BPCO qui touche 30 % des fumeurs soit environ 3,5 millions de personnes en France. Ce modèle intégratif unique s’inscrit dans le schéma régional 2023-2028 de l’Agence régionale santé Auvergne-Rhône-Alpes qui vise à développer une approche territoriale de l’offre de soin, avec comme objectif une amélioration de la qualité, de l’efficience et de la résilience du système de santé ainsi que le développement de la prévention et de la promotion de la santé.
Le projet est déployé en région en lien étroit avec les acteurs locaux : communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), opérateurs de santé, médecins du travail…
Les patients accueillis à bord du Pneumobile - soit toute personne entre 50 et 74 ans se présentant comme fumeuse ou ex-fumeuse de plus de 20 paquets-année – bénéficieront d’un parcours de soins intégré :
Un dépistage du cancer du poumon par scanner thoracique sans injection, à faible dose d’irradiation, réservé aux personnes répondant aux critères d’éligibilité définis par les recommandations françaises***.
Le scanner thoracique sera interprété à distance par les radiologues des HCL et fera l’objet d’un compte-rendu et d’un suivi par l’équipe de coordination dans les semaines suivantes.Un dépistage de la BPCO par examen du souffle (spirométrie).
Une consultation de tabacologie par un médecin ou un infirmier qualifié en tabacologie/addictologie, avec une aide au sevrage pour les fumeurs actifs ou ayant arrêté depuis moins d’un an.
Une évaluation des facteurs de risques cardio-vasculaires (calcul d’IMC, mesure de la tension artérielle et cholestérol sanguin).
Des dispositifs permettant de réaliser des projets de recherche sur le dépistage, dont la recherche sur les biomarqueurs sanguins et dans l’air exhalé, ou encore en imagerie.
* Mammobile, pour le dépistage du cancer du sein ; Les bus du cœur, pour le dépistage cardiovasculaire.
**Plusieurs initiatives de scanner mobile menées au Japon, aux Etats-Unis, au Brésil et au Royaume-Uni. A Manchester, le programme « Lung Health Check » proposant un dépistage en unité mobile sur des parkings de supermarché a montré de très bons résultats, conduisant au déploiement de 10 projets de dépistage mobile dans le pays.
*** Personnes âgées de 50 à 75 ans ; fumeurs ou ex-fumeurs ≥ 20 PA ou ≥ 10 cigarettes/j pendant plus de 30 ans ou ≥ 15 cigarettes/j pendant plus de 25 ans ; tabagisme actif ou sevré depuis ≤ 15 ans.
A bord, une équipe pluridisciplinaire en interface avec le CHU de Lyon
Véritable défi d’ingénierie et d’organisation, le montage du projet a nécessité plus de trois ans et a mobilisé de très nombreux services et métiers des HCL. Il illustre la complémentarité des équipes des HCL au service des patients et de l’innovation : ingénieurs, informaticiens, téléphonistes, logisticiens, spécialistes automobile, techniciens, ingénieurs biomédicaux, acheteurs, physiciens médicaux, cadres de santé, médecins, directeurs, chef de projet, attachés de recherche, infirmiers, manipulateurs radio, aides-soignants… En opération, 24 professionnels de santé des HCL se relaieront pour assurer l’accueil et le dépistage des populations sur les différentes villes-étapes du Pneumobile. Les professionnels de santé du territoire pourront assister l’équipe à bord, composée de :
- 2 infirmiers formés à la tabacologie et la spirométrie ;
- 1 manipulateur radio ;
- 1 personnel médico-administratif, chargé de l’accueil et de l’enregistrement des participants
- Le cas échéant, 1 attaché de recherche clinique, dont la présence sera requise en fonction des protocoles de recherche associés au dispositif.
Aucun résultat médical ne sera communiqué à bord. Les données seront envoyées et traitées par des radiologues et des médecins pneumologues attitrés au projet, basés à l’hôpital Lyon Sud des HCL. Un rapport de synthèse sera émis et transmis au médecin traitant dans les 48h, en incluant les consignes et les suites à donner le cas échéant.