Les perturbateurs endocriniens : une problématique au cœur des enjeux de santé publique
Les perturbateurs endocriniens (PE) sont des substances chimiques capables d’interférer avec le système hormonal humain. Ces substances, présentes dans de nombreux produits du quotidien (plastiques, cosmétiques, alimentation, mobilier...), sont suspectées ou reconnues pour leurs impacts sur la santé, tels que des troubles de la fertilité ou du développement neurologique, des cancers hormonodépendants, l’obésité, le diabète et des anomalies génitales. Les expositions précoces, notamment durant les 1000 premiers jours de vie (du début de la grossesse aux deux ans de l’enfant), sont particulièrement critiques car elles influencent durablement la santé future de l’enfant.
Avec 90 000 naissances enregistrées en moyenne par an en Auvergne-Rhône-Alpes, la réduction des expositions aux substances chimiques, en particulier aux PE, constitue un enjeu prioritaire de santé environnementale. Consciente de cet enjeu, l’Agence régionale de santé (ARS) Auvergne-Rhône-Alpes a décidé de soutenir le projet de sensibilisation sur les PE porté par la Ville de Lyon dans le cadre de l'appel à manifestation d’intérêt (AMI) 2024.
Un escape game inclusif et pédagogique pour sensibiliser un large public
L’escape game « Sauve qui PE ! », proposé par la Ville de Lyon constitue une action innovante de sensibilisation aux perturbateurs endocriniens. Inspiré du projet créé par le RéeL-CPIE de Lozère, ce jeu d’enquête invite les participants à explorer différentes pièces d’un appartement fictif pour y repérer les sources invisibles de PE dans le quotidien : cosmétiques, alimentation, mobilier, produits ménagers, vêtements…
Conçu à l’origine pour un public de jeunes de 14 à 30 ans, de jeunes parents et de professionnels de santé, le jeu a été adapté à Lyon pour répondre notamment aux besoins des habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Les consignes ont été adaptées, le courrier final rendu moins anxiogène, et une attention particulière a été portée à l’inclusivité. Cette démarche vise à rendre l’information accessible à tous, tout en conservant la richesse pédagogique du format original.
Chaque session dure 1h30 et réunit 3 équipes de 3 à 4 personnes. À travers des énigmes interactives, les participants découvrent progressivement l’impact des perturbateurs endocriniens sur la santé et apprennent à identifier des gestes simples pour limiter leur exposition. En fin de séance, un débriefing collectif est organisé afin de favoriser les échanges et l’appropriation des connaissances les participants repartent avec un ou plusieurs marque-pages de leur choix, parmi une sélection de 12 engagements concrets (par exemple : « Stop à la fast-fashion »), ainsi qu’avec un document graphique conçu par la Ville de Lyon, intitulé « Les bons gestes contre les perturbateurs endocriniens », pour prolonger la sensibilisation au quotidien. Le projet a été réalisé en partenariat avec plusieurs acteurs locaux. La Ville de Lyon a collaboré avec le bureau d'études Medieco, expert en santé environnementale, pour l'animation et la formation des intervenants. Les Hospices Civils de Lyon (HCL) ont soutenu le projet en mettant à disposition la Maison des professionnels de l’hôpital Edouard Herriot pour les sessions de sensibilisation. Parmi les structures ayant participé aux sessions, on recense des citoyens, des jeunes d’une mission locale, des médiateurs santé, des universitaires, et de très nombreux professionnels des HCL.
Programmé une première fois du 4 au 8 novembre 2024, le projet a permis de réaliser 12 sessions et de sensibiliser 112 participants, avec un taux de satisfaction de 97,3 % (note moyenne de 4,74/5). Les retours ont souligné la dimension participative, non culpabilisante et concrète de l’animation. Les participants ont notamment salué la clarté du message, la richesse des échanges, et l’aspect ludique facilitant l’appropriation du sujet. Une seconde phase a été organisée lors du Festival « Explore ta santé » en avril dernier durant laquelle 3 sessions ont été réalisées.
Le projet a bénéficié d’un financement de l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes à hauteur de 20 000 €, soit 50 % du budget total. Le reste du financement provient de la ville de Lyon et de l’Institut National du Cancer (INCa).
"Ce projet a été retenu en raison de son approche à la fois ludique et innovante, particulièrement pertinente pour notre région. La ville de Lyon a su mobiliser un public généralement peu sensibilisé à ces enjeux de santé, notamment les jeunes et les habitants des quartiers prioritaires."
Valérie Formisyn, référente éducation santé environnement pour le Rhône au sein de l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes
Fort de ce succès, la Ville de Lyon souhaite pérenniser cet escape game en l'inscrivant dans d'autres campagnes de prévention. Des sessions supplémentaires sont envisagées en fin d'année 2025, notamment à destination des étudiants et des jeunes professionnels de santé. La ville envisage également déployer cet escape game lors d’événements plus larges sur la santé environnementale.
Une mobilisation régionale des collectivités territoriales, acteurs clés pour réduire les risques d’exposition
Cette démarche d’escape game s’inscrit dans une stratégie de long terme menée par la ville de Lyon visant à réduire l’exposition aux PE notamment pour les populations les plus vulnérables.
Membre du réseau des villes et territoires sans perturbateurs endocriniens depuis octobre 2021, la ville de Lyon est devenue lauréate en septembre 2022 de l’appel à projets AACT’Air lancé par l’Ademe avec le projet Exp’Air, portant sur l’exposition aux phtalates dans les établissements d’accueil des jeunes enfants (EAJE). Par ailleurs, en juillet 2023, la Ville de Lyon a été lauréate de l’appel à projet « Plan zéro exposition » de l’INCA. Ce projet vise à réduire les expositions aux perturbateurs endocriniens dans les établissements accueillant des jeunes, et à concevoir des plans d’action au plus près de la population.
Dans le cadre de son contrat local de santé 2022-2027 réunissant plus de 30 acteurs du territoire, la ville a établi un plan d’actions contre les perturbateurs endocriniens en février 2023 autour de 27 actions concrètes, notamment dans les crèches et les cantines.
"En 2025, nous allons poursuivre la mise en œuvre du plan d’actions contre les perturbateurs endocriniens, et son évaluation. Plusieurs chantiers sont déjà engagés : nous finalisons une plaquette de sensibilisation qui proposera des gestes simples à destination des professionnels de la petite enfance, afin de réduire l’exposition des tout-petits. Dans le cadre du projet européen LifeChemBee, la visite et le diagnostic de cinq crèches municipales, avec un focus sur les produits d’entretien et les matériaux utilisés a été réalisée. Cette année la VDL souhaite également revalider le plan de formation des agents aux perturbateurs endocriniens. Par ailleurs, en juin 2025 aura lieu pour la troisième année consécutive une formation des acheteurs aux perturbateurs endocriniens, dans le cadre du SPASER et du plan PE"
Juliette MORAWIEC, conseillère technique en promotion de la santé à la ville de Lyon.
Acteurs clés de la prévention et réduction des risques d’exposition des jeunes enfants, les collectivités territoriales ont en effet un rôle crucial à jouer pour transformer les environnements de vie (crèches, cantines, équipements publics) en lieux plus sains et pour sensibiliser leurs publics de futurs et jeunes parents.
Dans le cadre de la stratégie régionale visant à réduire l’exposition des femmes enceintes et des jeunes enfants aux produits chimiques présents dans leurs environnements, l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes prévoit notamment des actions pour accompagner les collectivités territoriales dans la réduction des risques liés aux perturbateurs endocriniens en parallèle du travail mené à destination des professionnels et établissements de santé.
Un programme de formations développé avec Promotion santé Auvergne-Rhône-Alpes à destination des professionnels de la petite enfance intervenant notamment au sein des crèches et des réseaux d’assistantes maternelles de la région est mis en place depuis 2022.
En parallèle de l’escape game, l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes a accompagné plusieurs collectivités territoriales de la région. La commune de Chamalières (63), les Communautés de communes du Pays de Gex (01) et du Genevois (74) ont pu notamment bénéficier d’un appui technique de l’Agence pour la mise en place d’ateliers de sensibilisation de leurs personnels et habitants sur la question des perturbateurs endocriniens.
Ces dynamiques locales sont essentielles pour ancrer durablement les changements. Le soutien apporté à l’escape game proposé par la Ville de Lyon s’inscrit pleinement dans cette logique d’accompagnement des territoires.
