Qualité de l’eau : un projet scientifique et pédagogique autour du risque des cyanobactéries soutenu par l’ARS au lac de Devesset (07)

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L’Agence régionale de santé Auvergne-Rhône-Alpes soutient un projet scientifique et pédagogique au lac de Devesset (Ardèche) visant à sensibiliser au risque des cyanobactéries. Ce programme associe recherche, prévention et éducation pour mieux comprendre ces micro-organismes et protéger la santé des usagers des plans d’eau.

Un site touristique confronté à des enjeux sanitaires et écologiques

Situé à 1074 mètres d’altitude en Ardèche, le lac de Devesset est un site touristique majeur, accueillant jusqu’à 140 000 visiteurs chaque année et dont la gestion est assurée par un syndicat intercommunal réunissant les communes du Chambon sur Lignon (43), de Devesset (07) et de Saint Agrève (07) sur lesquelles passent des cours d’eau alimentant le lac.
Combinant baignade, pêche, activités nautiques et hébergements, le lac de Devesset est aussi confronté, comme de nombreux plans d’eau de la région, à des proliférations de cyanobactéries, sources de restrictions sanitaires ponctuelles.

Depuis 2019, ces phénomènes ont occasionné des plusieurs fermetures de la zone de baignade. La plus longue période ayant eu lieu en 2021 avec une fermeture de 3 semaines. C’est dans ce contexte qu’un projet novateur engagé depuis 2022, associant le Syndicat intercommunal de gestion du lac de Devesset (SIGLD) et l’équipe de l’UMR 5600 – environnement, ville, société (Université Jean Monnet) de Saint-Étienne pour mieux comprendre les causes de ces proliférations et renforcer la prévention des cyanobactéries a été sélectionné par l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes dans le cadre de son appel à manifestation d’intérêt en santé-environnement en 2024.

Une démarche scientifique pour mieux prendre en compte et gérer les cyanobactéries dans une approche éducative et préventive

Lancée en 2022, cette étude scientifique répond à plusieurs objectifs stratégiques. L’objectif principal est d'améliorer la connaissance sur les cyanobactéries et les facteurs environnementaux favorisant leur développement afin de pouvoir de développer une approche préventive avec l’ensemble des acteurs locaux plutôt que le seul recours à l’emploi de méthodes « curatives » dont l’efficacité est très incertaine (exemple des ultrasons).

Le projet vise également à répondre à des problématiques spécifiques aux sites présentant des zones de baignade dites secondaires, non surveillées et ne faisant pas l’objet d’un suivi sanitaire, comme c’est le cas à Devesset (Plage dite « des chiens »). L'étude ambitionne d’apporter un éclairage sur ces questions en mettant en place un protocole adapté aux à ces zones de baignade secondaires ainsi que la zone centrale du lac où sont pratiquées des activités nautiques.

Le projet vise aussi à apporter des connaissances nouvelles sur les interactions entre cyanobactéries et Pectinatella magnifica, espèce invasive émergente, dont la double présence sur ce site est une particularité régionale. 

La sélection de ce projet par l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes a permis de poursuivre ce travail de recherche et de l’ouvrir sur des aspects pédagogiques vis-à-vis du public, peu abordés jusqu’ici. 

"Nous avons retenu ce projet pour son approche scientifique et pédagogique novatrice, associant recherche environnementale et éducation à la santé avec des partenaires universitaires et l’IREPS. C’est une vraie démarche ‘One Health’, entre écologie, santé humaine et espèces invasives.", explique Alexis Barathon référent qualité des eaux de baignade de l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes.

L’ARS Auvergne-Rhône-Alpes a apporté un soutien technique et méthodologique au projet en participant à la programmation des analyses en lien avec le laboratoire agréé et en collaborant avec les équipes pour la préparation des supports éducatifs.

Des premiers résultats concrets et prometteurs

Le programme de travail mis en place pour l'année 2024 a combiné à la fois des observations de terrain, des prélèvements réguliers et des analyses en laboratoire. L’objectif étant d’observer de manière simultanée plusieurs zones du lac pour mesurer les différences de prolifération selon l’emplacement.

Légende Carte du lac de Devesset montrant les points de prélèvement (A) : des tributaires et (B) des Pectinatella (points jaunes) et des échantillons d’eau pour détermination des cyanobactéries (points rouges) (©Sébastien AUTRET, UMR 5600)

Les chercheurs ont réalisé quatre campagnes de prélèvements sur les affluents du lac afin de mesurer les flux de nutriments, notamment l'azote et le phosphore. Ces analyses ont permis d'identifier des apports importants, parfois liés aux activités agricoles ou aux systèmes d'assainissement non collectif présents sur le bassin versant, témoignant notamment pour l’azote d’un risque d’eutrophisation élevé en période estivale. Une attention particulière a été portée aux épisodes pluvieux intenses, pouvant entraîner un ruissellement des nutriments vers le lac.

Des analyses ont également été réalisées pour évaluer la désoxygénation du lac via des mesures des niveaux de température et d’oxygène jusqu’au fond du lac de juin à octobre 2024. La stratification thermique du lac, stable à partir de mi-juin, semble avoir favorisé les blooms cyanobactériens lors des périodes de chaleur intense. Un bloom notable a été observé fin juillet 2024, en lien avec des températures de surface élevées suggérant que la chaleur seule pourrait être le facteur déclenchant principal de ces phénomènes. En revanche, les épisodes pluvieux de mi-août, bien qu'ayant brassé l'eau et réduit la température, n'ont pas entraîné de prolifération significative.

Le suivi des cyanobactéries, réalisé entre le 21 mai et le 1er octobre 2024, a permis de mieux comprendre la dynamique des espèces toxicogènes telles que Woronichiniasp. et Dolichospermum sp.. Les premières campagnes de prélèvement ont montré que les concentrations de cyanotoxines restent globalement en dessous des seuils réglementaires. Sur la période d’étude, le biovolume de cyanobactéries toxinogènes est resté en dessous du seuil de 1 mm³/L, avec une nette dominance des genres Woronichinia et Dolichospermum. Les cyanobactéries non toxinogènes, quant à elles, étaient peu représentées, sauf à la plage des chiens, où la diversité de genres filamenteux comme Phormidium sp., Limnothrix sp. et Oscillatoria sp. est plus importante. Les observations effectuées en juillet ont révélé la présence de Microcystis au niveau de la plage des chiens et de la base de voile, tandis que la baignade surveillée n’a pas montré de contamination significative. À cette période, les mesures de cyanotoxines étaient conformes aux normes de qualité, même si la concentration en microcystines atteignait 0,24 µg/L à la plage surveillée, en dessous du seuil de 0,3 µg/L.

Les observations ont donc mis en évidence que la diversité des cyanobactéries et la présence de toxines varient selon les zones du lac. La plage des chiens, par exemple, présente une diversité plus importante et une fréquence plus élevée de genres filamenteux par rapport à la zone surveillée. 

Le volet d’étude spécifiquement dédié à l’observation de la Pectinatella magnifica a permis de caractériser la cohabitation de cette espèce invasive avec certaines cyanobactéries toxinogènes. Les colonies de Pectinatella, recensées sur l’ensemble du pourtour du lac, ont été étudiées pour évaluer leur rôle potentiel dans la prolifération cyanobactérienne. Les analyses d’eau prélevée autour des colonies montrent que les microcystines sont souvent détectées, bien que les taux restent inférieurs au seuil de qualité pour la baignade. Curieusement, lors du bloom de Microcystis de juillet, aucune colonie de Pectinatella magnifica observée dans les zones touchées n’était colonisée par cette cyanobactérie. Ce résultat intrigue les chercheurs et souligne la complexité des interactions entre les différents organismes présents dans le lac.

Le volet éducatif du projet s’est traduit par la création de panneaux pédagogiques qui seront expérimentés dès cette saison. L'objectif est de mieux informer le public sur les cyanobactéries, de lutter contre les fausses informations circulant sur les réseaux sociaux et de renforcer l’attractivité du site en garantissant la sécurité sanitaire des activités de baignade et nautiques. 

Un projet utile qui pourra être décliné sur d’autres territoires de la région

Ce projet mené au lac de Devesset apporte des enseignements précieux pour la stratégie régionale de contrôle sanitaire des sites de baignade de l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes. Grâce aux données recueillies et aux analyses réalisées, l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes dispose désormais d’éléments concrets et nouveaux pour affiner ses stratégies de prévention et de contrôle des cyanobactéries dans les plans d’eau de la région notamment pour mieux répondre aux problématiques des proliférations différenciées selon les zones de baignade d’un même site qui complexifient le travail de contrôle de l’Agence. 

Cette étude permettra d’enrichir les profils de baignade, d’améliorer les protocoles de surveillance et de proposer aux gestionnaires locaux des recommandations basées sur l’observation des conditions environnementales et l’analyse des nutriments afin d’améliorer leurs capacités d’anticipation des blooms mais aussi de mieux agir sur les moyens de réduction des apports en nutriments (azote, etc) à la source.

"Les résultats vont influencer les stratégies régionales pour réduire le développement des cyanobactéries, en favorisant la prévention et l’anticipation des blooms. Ces éléments nous aideront également à améliorer la surveillance sanitaire et à mieux protéger les usagers des plans d’eau." explique Alexis Barathon référent qualité des eaux de baignade de l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes.

La démarche portée par les collectivités gestionnaires du lac de Devesset se distingue aussi par son approche collaborative. Au travers du projet, les équipes ont également cherché à renforcer la collaboration des différents acteurs du plan d’eau (élus, responsables de la base nautique, agriculteurs, pêcheurs…) afin de mettre en place une gestion durable et cohérente du lac.

Cette dynamique de co-construction, souhaitée par l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes, est essentielle pour assurer la durabilité des actions et encourager leur appropriation par les acteurs gravitant autour des sites de baignade de la région. 

En favorisant l’échange d’expériences et la diffusion de bonnes pratiques, ce projet va contribuer à une approche régionale cohérente et partagée pour garantir la sécurité sanitaire des activités de baignade et préserver la qualité des milieux aquatiques.